En Patagonie existe une belle histoire autour de la plante considérée comme son emblème : le Calafate.
Aussi appelé Berbéris à feuilles de buis, le Calafate est un buisson épineux qui ne paie pas de mine, mais qui se couvre au printemps de petites fleurs d’un jaune éclatant. En été, elles deviennent une foultitude de baies bleues à violettes portant elles aussi le nom de Calafate. Leur saveur est aigre-douce et on les déguste crues ou cuites. Elles font partie de nombreuses spécialités culinaires : on en fait des jus, des confitures, des tisanes, des glaces ou autres desserts. On les trouve même dans certains plats salés. Selon les locaux, y goûter, c’est l’adopter, ce qui a donné là-bas un dicton populaire : « Si vous essayez le Calafate, vous y retournerez ». C’est l’origine de ce dicton que je vais vous raconter.
Il y a très longtemps, les peuples de Patagonie étaient organisés en tribus, parmi lesquelles les Tehuelche et les Selknam, qui se détestaient cordialement.
Calafate était le nom de la fille du chef des Tehuelche. Elle était jeune, grande, belle, douce, aimée et respectée de tous. En gros, imaginez Pocahontas, mais avec des yeux couleur de miel ;-)
Un jour, un jeune homme Selknam se présenta devant le clan. Il accomplissait les rituels d’initiation de sa tribu, et l’une des épreuves qui lui avait été imposée consistait à rester quelques temps parmi les Tehuelche. Ces derniers méprisaient les Selknam, mais les rituels d’initiation, d’où qu’ils viennent, sont sacrés pour les tribus. Ils acceptèrent donc sa venue, et l’accompagnèrent jusqu’à la hutte de cérémonie où il resterait isolé pour le bon déroulé des épreuves.
Vous vous en doutez, le jeune Selknam, dont on ne connaît pas le nom, croisa le regard de Calafate juste avant d’entrer dans la hutte, et là… bam ! Coup de foudre...
Calafate profita d’un moment d’inattention de son entourage pour s’éclipser, entrer dans la hutte et faire plus ample connaissance avec l’élu de son cœur.
Il ne fallut pas longtemps au chef de la tribu pour découvrir cet amour clandestin entre sa fille et son invité. Mais, s’il l’aurait bien zigouillé à mains nues, les coutumes lui interdisaient de ne serait-ce que blesser le jeune Selknam, ou même de le jeter hors de son territoire. Le chef était furax, forcément. Il interdit à sa fille de revoir le jeune homme.
Calafate avait toujours été une enfant, puis une jeune femme obéissante, respectueuse des obligations de son rang et de l’autorité de son père. Mais l’Amour se joue de ce genre de raisons… Alors, les deux jeunes gens décidèrent de s’enfuir ensemble. Une nuit, ils quittèrent le village sur la pointe des pieds, avant de courir à toutes jambes à travers la steppe patagonienne.
Lorsque le chef Tehuelche découvrir la « fugue » de sa fille et la disparition de son hôte, il devint fou de rage. Il convoqua la chamane de sa tribu pour trouver le moyen de mettre fin à son humiliation. La vielle femme l’avertit que personne ne pourrait détruire un tel amour. Mais, si tel était le désir de son chef, elle pouvait les séparer pour toujours.
Alors, sur son ordre, alors que Calafate s’était éloignée de son amoureux, la chamane la transforma par magie en un petit buisson couvert d’épines. Mais parce que la vieille femme n’était pas cruelle, elle voulut lui permettre de contempler les paysages magnifiques où elle vivait désormais : à chaque printemps, le buisson ouvrait sa multitude de fleurs dorées, comme l’étaient les yeux de la jeune femme. Avec peut-être une certaine idée derrière la tête…
L’histoire serait bien triste si elle s’arrêtait là… Mais la légende raconte aussi que le bien aimé de Calafate, dès qu’il a constaté son absence, est parti à sa recherche dans toute la steppe patagonienne, voyageant sans repos, déterminé à retrouver son amour disparu.
A bout de force, seul sous le scintillement des étoiles, il pria les Esprits de lui venir en aide. Sa force, son courage et la puissance de ses sentiments les impressionnèrent. Les Esprits choisirent de le transformer en petit oiseau.
Il aurait sans doute préféré qu’ils le mènent près de sa douce. Mais il pouvait au moins continuer à chercher Calafate, plus loin, et de plus haut. Il sillonna le ciel chaque jour, rasant le sol, voletant entre les roches, battant des ailes au-dessus des steppes, sans se soucier du passage des saisons.
Un soir de printemps, il se posa, fatigué, sur un buisson dont les épines laissaient juste assez de place pour ses petites pattes. Les douces fleurs jaunes qui le couvraient exhalaient un parfum délicieux, qui l’enveloppèrent comme un cocon de douceur, et lorsqu’il picora les quelques fruits qui avaient déjà muri, au travers de leur saveur il reconnut la personnalité et l’amour de la douce Calafate.
A l’autre bout des steppes patagonienne, une veille chamane sourît : les deux amoureux étaient de nouveau réunis, sans que personne ne trouve rien à y redire…
Voilà une légende sur la puissance des sentiments et le fait que nul se peut se mettre en travers d’un amour fort et sincère.
De quoi s’inspirer pour un thème sur la Patagonie et ses paysages à couper le souffle, à décliner de la décoration jusqu’aux plats choisis qui feront la part belle aux baies violettes et sucrées.
© photo : Anni Graham
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