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La Plume

La traversée du désert


©photo : Gina Paulson


Voilà bien longtemps que je ne vous ai pas écrit de conte. Il faut dire que les temps sont chamboulés, les plannings bouleversés, l’avenir sous cloche, et les heures étranges.


En ce dernier jour de confinement 2020 (on croise les doigts), je pense à tous les amoureux qui ont été physiquement séparés et n’ont qu’une hâte : se retrouver. Ils me rappellent cette vieille légende touarègue qui devrait leur parler.


Dans ce qui est aujourd’hui le Nord du Niger, en plein Sahara, il était une fois un fier guerrier et une jeune princesse. Ils s’aimaient tendrement, mais ne se l’était jamais avoué, et ne pouvaient se fréquenter.

Leurs noms, la rumeur ne les a pas retenus. Toujours est-il que l’amoureux transi souhaitait déclarer sa flamme à l’élue de son cœur. Or, celle-ci ne pouvait plus sortir, elle était enfermée chez elle : ses parents lui interdisaient toute échappée. Comment alors lui faire connaître ses sentiments ?


Le jeune homme était désespéré. A moins d’être forgeron, il ne pourrait entrer dans cette maison… Parce que dans la société touarègue, le forgeron est une personne à part, au statut très important. En temps de guerre, sa vie est préservée. Il fabrique toutes les pièces métalliques, de fer, d’argent ou de cuivre, nécessaires à la vie de toute maisonnée, il confectionne les ustensiles de cuisine, ainsi que les bijoux. De ce fait, il a accès à toutes les habitations.


C’est ainsi que le guerrier décida de faire appel au forgeron de son propre village pour transmettre à la princesse le message d’amour qu’il lui destinait. Mais comment s’y prendre pour déclarer ses sentiments sans éveiller les soupçons de la famille princière ?


En Tamajeq, la langue touarègue, Amour s’écrit T(o)R(a). Et dans leur alphabet, ce mot est représenté par les signes + et O. C’est aussi un symbole d’alliance : une croix unie à un cercle, l’homme et la femme liés.

Le guerrier voulait un bijou et le forgeron lui proposa d’en créer un qui assemblerait ces deux signes. Quelques fioritures furent ajoutées, à la fois pour embellir le bijou et pour rendre le message moins explicite. La croix d’Agadez était née.



©photo : touaregsmirages


Le forgeron n’avait plus qu’à trouver un prétexte pour se rendre chez les parents de la jeune fille et lui remettre discrètement la bague forgée.

On raconte que lorsque le roi accepta finalement le mariage entre sa fille et le jeune guerrier, les fiancés décidèrent de faire de la bague un pendentif, et que le forgeron y ajouta la lettre k, pour obtenir le mot « terak » qui signifie proximité, cohabitation, mariage, et qui a donné sa forme définitive à la croix d’Agadez.


Chez les Touareg, la croix d’Agadez a parfois une tout autre signification. On dit qu’elle représente l’étoile du sud ainsi que les points cardinaux, guidant les nomades tout au long de leur vie. Elle se transmet de père en fils, au moment où les jeunes quittent le nid, avec cette phrase rituelle : « mon fils, je te donne les quatre directions du monde, car on ne sait où tu iras mourir ».


J’aime à croire que ce symbole d’amour et de fertilité signifie de ce fait que l’Amour peut être la boussole d’une vie. Y compris dans les plus arides déserts.


Traversons donc celui-ci en nous laissant guider.

Chers mariés… vous me manquez.


©photo : london coin gallery

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